La galère des victimes du photovoltaïque
Mr. et Mme Lemichel, qui vivent dans le Vaucluse, sont démarchés à leur domicile, le 8 juin 2009, par un commercial de la société Couverture et énergie solaire photovoltaïque (CESP), qui leur propose d'installer des panneaux sur leur toit.
Bonne idée, se disent-ils: ils pourront arrondir leurs fins de mois en revendant l'électricité produite.
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Ils signent un bon de commande. Pour financer leur achat, ils souscrivent une offre de crédit de 28 500 euros, auprès de la société Sofemo.
Ils signent un bon de commande. Pour financer leur achat, ils souscrivent une offre de crédit de 28 500 euros, auprès de la société Sofemo.
Dès le 10 juin, sans attendre ni le délai de rétractation légal de sept jours ni l'autorisation de la mairie, les techniciens de CESP, qui font subir aux époux de fortes pressions, viennent livrer les panneaux.
Ils se contentent de les poser sur la toiture, au lieu de les intégrer, comme convenu. En outre, ils n'apportent pas l'onduleur [et non "ondulateur", mea culpa] qui permettrait de les faire fonctionner.
"Nous n'avons jamais pu joindre les responsables, et nous avons fait l'objet de menaces physiques", raconte Marie-Hélène Lemichel, vendeuse à domicile.
Le couple est donc contraint d'assigner CESP et Sofemo en justice, en mars 2010.
En juillet 2011, le tribunal de grande instance d'Avignon annule le contrat signé avec CESP, car il ne respecte pas plusieurs articles du code de la consommation.
Il annule aussi l'emprunt associé, conclu avec Sofemo. En effet, en vertu de l'article L 311-21 du code de la consommation, le contrat de crédit est "résolu ou frappé de nullité de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé".
En principe, les époux ont gagné: CESP doit rembourser à Sofemo la somme de 35 400 euros, pour "remise des lieux en l'état initial".
Sauf qu'entre temps, CESP a fait faillite.
Sofemo attaque le jugement.
Sofemo attaque le jugement.
Devant la cour d'appel de Nîmes, la société de crédit prétend que le code de la consommation ne s'applique pas au contrat conclu entre les Lemichel et CESP: il s'agirait selon elle d'un contrat "commercial" signé entre "un candidat à la création d'une centrale de production électrique et un vendeur de matériel" !
On ignorait que les 240.315 installations de particuliers, de moins de 3 kW, recensées par EDF étaient des installations de professionnels...
Heureusement, la Cour d'appel ne retient pas cet argument. Dans un arrêt du 9 octobre 2012, elle estime que "c'est à bon droit" que le tribunal a annulé le contrat entre les époux et CESP, ainsi que le contrat de financement lié.
Mais elle condamne les époux Lemichel à rembourser 28 000 euros à Sofemo!
Elle considère que, puisque les panneaux photovoltaïques leur ont été livrés - ce qu'ont admis les époux, en signant un bon de livraison- ils doivent rembourser le crédit.
Le couple est catastrophé: les panneaux n'ont jamais marché, et ils devraient rembourser cette somme astronomique à la place de CESP?
Le couple est catastrophé: les panneaux n'ont jamais marché, et ils devraient rembourser cette somme astronomique à la place de CESP?
Leur avocate, Me Martine Luc-Thaler, estime que l'obligation de remboursement est annulée en cas de faute du prêteur dans la remise des fonds: or, la société Sofemo a commis une faute en les débloquant sans avoir vérifié au préalable que l'installation était effective.
"Je pense que nous allons gagner, mais nous sommes à bout, financièrement, après avoir dû payer 6000 euros de frais d'avocat", indique M. Lemichel. "Les panneaux n'ont jamais été retirés, malgré le jugement qui condamnait CESP à le faire, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour. Ils bougent quand il y a du mistral, et ils peuvent attirer la foudre."
Jean-Pierre Brissaud, expert indépendant en énergie renouvelables, vers lequel la direction des fraudes renvoie souvent les victimes d'installateurs incompétents ou indélicats, se désole des conséquences que ces dernières subissent après une liquidation judiciaire. Les faillites d'ailleurs, continuent: dans l'Aisne, la société Eco Tendance Habitat vient de mettre la clé sous la porte, sans avoir raccordé tous ses clients au réseau EDF...
Pour qu'elles évitent les déboires subis par M. et Mme Lemichel, voici les conseils qu'il leur donne:
- en référé, demander que le remboursement du crédit soit bloqué, en attendant la décision au fond.
- attaquer en justice simultanément l'installateur et le prêteur pour demander l'annulation de la vente. On vérifiera notamment que le bon de bon de commande a été établi régulièrement, en faisant référence à trois décrets.
"Si l'évaluation de la production a fait l'objet d'un document, vérifiez qu'elle est réaliste", conseille M. Brissaud. Vous pouvez le faire très simplement en consultant le logiciel PVGIS de la Commission européenne.
"Si l'évaluation de la production a fait l'objet d'un document, vérifiez qu'elle est réaliste", conseille M. Brissaud. Vous pouvez le faire très simplement en consultant le logiciel PVGIS de la Commission européenne.
"En général, les commerciaux, qui essaient de placer un crédit sur quinze ans, surévaluent les rendements attendus, pour faire croire qu'ils couvriront les mensualités. Il s'agit d'offres commerciales trompeuses",explique l'expert.
[Mise à jour le 21 mars: l'intersyndicale de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes appelle les agents à une journée de grève pour dénoncer les suppressions d'effectifs.]
[Mise à jour le 21 mars: l'intersyndicale de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes appelle les agents à une journée de grève pour dénoncer les suppressions d'effectifs.]