Depuis la découverte de viande de cheval dans des barquettes de Lasagnes Findus étiquetées "pure bœuf" et vendues en Europe, les découvertes de fraudes dans le secteur alimentaire se multiplient. Et leur ampleur ne cesse de croître.
Une entreprise française, Spanghero, a rapidement été visée. Des contrôles menés par les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) y ont mené une enquête administre accablante.
Pire, mardi 19 mars, on apprenait qu'en plus de la viande de cheval, 57 tonnes de mouton prohibé ont été retrouvées dans l'usine de Castelnaudary dans l'Aude.
Une entreprise française, Spanghero, a rapidement été visée. Des contrôles menés par les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) y ont mené une enquête administre accablante.
Pire, mardi 19 mars, on apprenait qu'en plus de la viande de cheval, 57 tonnes de mouton prohibé ont été retrouvées dans l'usine de Castelnaudary dans l'Aude.
Un scandale qui pose la question du comportement des entreprises de l'agroalimentaire et de leur contrôle.
Usine Spanghero, Castelnaudary JEAN-PHILIPPE ARLES © REUTERS
Les contrôleurs de l'alimentation mettent les pieds dans le plat... d'un service devenu défaillant en l'espace de quelques années.
© N CHARBONNIER / RF
Le 12 mars dernier, le ministre chargé de la consommation Benoît Hamon révélait les résultats des premières analyses effectuées à l'issue d'une vague de contrôles déclenchée début février après les révélations irlandaises et britanniques sur la présence de viande de cheval roumain dans des barquettes surgelées de lasagne au bœuf. Deux sociétés françaises ont d'abord été ciblées : Comigel à Metz (et son usine au Luxembourg) ainsi que Spanghero à Castelnaudary dans l'Aude. Deux traders néerlandais sont également soupçonnés d'être à l'origine d'une tromperie à grande échelle avec des complicités qui restent encore à établir dans les différents maillons de l'industrie agroalimentaire des produits cuisinés surgelés.
Les enquêtes (121 établissements inspectés, 138 prélèvements) ont montré le caractère très répandu de la fraude qui durait depuis des années. L'un des deux traders néerlandais, par exemple, a déjà été condamné il y a deux ans pour avoir écoulé de la viande de cheval d’Argentine étiquetée bœuf "halal". Jan Fasen avait conservé son agrément et avait ainsi été autorisé à continuer à fournir ses clients en milliers de tonnes de viande congelée en provenance notamment d'Europe centrale et des Balkans.
Les résultats, partiels, des derniers prélèvements montreraient que les distributeurs ont arrêté de mélanger les deux viandes (moins de 1% de viande de cheval sur les dix premiers échantillons et 2% sur les 40 suivants).
Mais après Spanghero et Comigel, plusieurs très grands noms de l'industrie du plat cuisiné ont à leur tour signalé la présence de cheval dans leurs barquettes ou conserves à base de bœuf, et parfois en très grande quantité. Findus pour commencer, puis William Saurin, Panzani, des marques distributeurs de Monoprix, Carrefour, ou encore Picard.
Toutes ces grandes marques étaient censées pratiquer l'auto-contrôle sur ce qu'elles cuisinaient et/ou vendaient à leurs clients. Du haut de gamme au bas de gamme.
Il y a 15 ans, la commission européenne avait étonnamment oublié de se pencher sur l'étiquetage et la traçabilité des produits dès lors qu'ils étaient mélangés (entre viande, céréales, fruits et condiments etc.) puis congelés. "Cuisinés" et "congelés" signifie risque sanitaire très réduit, même quand les produits de base laissent à désirer) car les bactéries et germes sont détruits. Et puis, tout indiquer et tout tracer, c'est compliqué et très cher faisait-on valoir à l'époque. Les lobbystes du secteur ont fait le reste.
Depuis la crise de la vache folle en 1998, qui avait provoqué un effort de vigilance sur la viande fraîche, il n' y a pas eu de véritable crise sanitaire. L'Europe a fait le ménage, la France brillait et continue de briller, pour la qualité affichée de ses produits d'origines contrôlées. Mais 15 ans plus tard, pour ses produits d'origine non contrôlés, c'est plutôt la"dépression des fraudes" comme l'affiche en Une le Canard Enchainé du Mercredi 20 Mars 2013.L'hebdomadaire satirique canarde la filière agroalimentaire et la réforme lancée sous Nicolas Sarkozy, qui "casse les pattes" des agents chargés de contrôler les acteurs d'un marché jusque-là comparé à une poule aux œufs d'or.
Jeudi 21 mars, près de deux mois après le début du scandale français de fraude à la viande de cheval vendue pour du bœuf, quasiment la moitié des 3000 agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se sont mis en grève pour tenter de stopper la réforme décidée il y a cinq ans et notamment faire pression sur le nouveau pouvoir politique pour changer de logiciel.
Depuis la crise de la vache folle en 1998, qui avait provoqué un effort de vigilance sur la viande fraîche, il n' y a pas eu de véritable crise sanitaire. L'Europe a fait le ménage, la France brillait et continue de briller, pour la qualité affichée de ses produits d'origines contrôlées. Mais 15 ans plus tard, pour ses produits d'origine non contrôlés, c'est plutôt la"dépression des fraudes" comme l'affiche en Une le Canard Enchainé du Mercredi 20 Mars 2013.L'hebdomadaire satirique canarde la filière agroalimentaire et la réforme lancée sous Nicolas Sarkozy, qui "casse les pattes" des agents chargés de contrôler les acteurs d'un marché jusque-là comparé à une poule aux œufs d'or.
Jeudi 21 mars, près de deux mois après le début du scandale français de fraude à la viande de cheval vendue pour du bœuf, quasiment la moitié des 3000 agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se sont mis en grève pour tenter de stopper la réforme décidée il y a cinq ans et notamment faire pression sur le nouveau pouvoir politique pour changer de logiciel.
© RADIO FRANCE
L' intersyndicale de cette fonction publique ne réclame pas de revalorisation salariale mais de pouvoir contrôler ce qu'on mange avec plus d'indépendance et de moyens pour fonctionner. Les syndicats et leurs troupes CGT, FO ou encore Solidaires veulent profiter du scandale de la viande congelée de cheval roumain pour rappeler qu'ils se sont fait largement désosser en terme d'effectifs alors qu'ils sont au cœur des missions de l'Etat.
Et pendant qu'ils répondent aux efforts demandés par le gouvernement sur la viande de cheval et de mouton, ils ont bien d'autres missions qu'ils ne peuvent plus remplir.
Et pendant qu'ils répondent aux efforts demandés par le gouvernement sur la viande de cheval et de mouton, ils ont bien d'autres missions qu'ils ne peuvent plus remplir.
Gaëlle Martinez, secrétaire générale adjointe du syndicat Solidaires :
Nous avons rendu visite à l'autre branche du contrôle alimentaire en France, celle des inspecteurs vétérinaires, pour voir si elle se porte mieux. Un rendez-vous a été pris avec la vice présidente du syndicat des inspecteurs de santé publique vétérinaires.
© RADIO FRANCE
Déborah Infante-Lavergne, vice-présidente du syndicat des inspecteurs de santé publique vétérinaire répond devant un restaurant de la capitale, franchise d'une grande enseigne spécialisée dans le bœuf.
(Nous avons cherché à rencontrer plusieurs inspecteurs mais aucun n'a souhaité s'exprimer au micro, devoir de réserve oblige, mais aussi par crainte de représailles)
Et Déborah Infante-Levergne de s'imaginer quels conséquences pourraient avoir l'absence de traçabilité de la viande :
Pour éviter le reportage 100 % paroles de syndicats catégoriels, nous avons interviewé trois spécialistes de ces filières de l'agroalimentaire si puissantes en France. Cela permet de mettre en perspective et de problématiser les deux témoignages précédents. Le point commun entre les trois entretiens qui suivent, c'est que l'arnaque de la viande de cheval est tout sauf un cas isolé de deux maquignons néerlandais et d'une société audoise aux abois financièrement et donc prête à tout pour se refaire une santé financière.
Serge Grass est militant écologiste à Besançon, président d'association, engagé politiquement aux côtés du mouvement d'Antoine Waechter, il avait défendu à la fin des années 1990 un vétérinaire qui dénonçait le laxisme, pour ne pas dire le trafic, de certains collègues à la frontière allemande près de Mulhouse. Ensuite il y a eu la crise de la vache folle. Serge Grass est à l'origine de plusieurs plaintes auprès de la commission européenne car la France ne respectait pas (et ne respecte toujours pas au vu de plusieurs amendes récentes) certaines directives en matière de contrôles sanitaires. Il a laissé tomber ce combat depuis plusieurs années à force de prêcher dans le désert.
© CATHERINE GRAIN / RF
L'Europe face à cette crise ? Une fuite au galop...
Du côté des voisins en Europe, on voit le résultat depuis deux mois. Les anglais ont déniché l'affaire au hasard d'un contrôle car depuis dix ans, il n'y avait quasiment pas d'inspections et aucun test ADN (trop chers). Mais des interpellations ont eu lieu et plusieurs filières ont été démantelées. Au Pays-bas, tout désigne deux traders. Des inspections ont bien eu lieu mais n'ont pour l'instant rien donné. Quant aux autorités luxembourgeoises, où se trouve le siège de l'usine de Comigel qui a cuisiné pour toute l'Europe des plats mélangés de bœuf et de cheval, elles n’ont pour le moment pas donné la moindre nouvelle de leur enquête. En France, des perquisitions ont eu lieu au siège social du groupe à Metz et on attend de nouvelles avancées dans les prochains jours.
© RADIO FRANCE
Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC que Choisir, fait le bilan de ces deux mois d'une crise qui touche toute l'Europe. Les réponses qu'il perçoit de Bruxelles et de certains états ne le surprennent pas. Mais cette situation l'énerve profondément. Il fustige le discours de ceux qui n'y voient qu'une simple histoire de fraude à la "bidoche congelée" :
Pour Périco Legasse, journaliste à Marianne, auteur de plusieurs ouvrages et documentaires-choc dénonçant les travers de l'industrie agroalimentaire, cette affaire n'est que l'aboutissement d'une volonté politique de réduire la surveillance dans ce secteur où la France est numéro 1 mondial. Selon lui, la réduction des gendarmes de l'alimentation n'aurait pas résulté seulement du souci de réduire la masse salariale de la fonction publique pour alléger la dette et le déficit de la France.
Un rapport remis au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll préconise une profonde réorganisation des services de l'Etat en matière de contrôles sanitaires.
Y aura-t-il dans la prochaine loi d'Avenir la création d'un établissement public pour gérer les contrôles et les laboratoires à la charge actuellement de départements qui pour nombre d'entre eux n'ont plus les moyens d'assurer ce genre de compétences ?
Un sujet tabou mais qui semble faire son chemin... Un rapport (présenté comme un document de travail) a été remis au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll la semaine dernière. Il émane du conseil général de l'alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, considéré comme le conseil des "sages" du monde agricole. Il prévoit dans un premier temps une tutelle du ministère de l'Agriculture pouvant être élargie à un niveau interministériel (retour du ministère de la santé ?)
Intitulé "Organisation nationale des services d'inspection sanitaire et du réseau de laboratoire", il préconise clairement une meilleure mutualisation des moyens pour faire des économies tout en renforçant la chaîne de commandement et l'indépendance des agents. Un établissement public pourrait aussi recevoir le produit de nouvelles taxes pour financer des contrôles, taxes que Bruxelles préconise depuis des années.
Vos contributions au sujet :
Un reportage d'Emmanuel Leclère, avec l'aide d'Abdelhak El Idrissi
Thème(s) : Information| Agriculture| Entreprise| Industrie| Gouvernement| Politique| Société| Syndicat| Santé|alimentation| Benoît Hamon
2 commentaires
Anonyme20.03.2013
La tromperie a toujours existé. Je me souviens des petits épiciers qui rajoutaient de l'eau dans le lait. Il y a quelques années sur un marché local où les chalands croient acheter des produits locaux il n'y avait aucun marchand après deux jours de grêve des camionneurs : les produits étaient achetés sur des marchés nationaux et internationaux.
En ce qui concerne le vin la DGCCRF a épinglé la SICA du Val d'Orbieu dans les années 80, puis Rieux, puis Geens à Bordeaux, puis Sieur d'Arques à Limoux (faux pinot). Il y a, à chaque fois, tromperie sur l'étiquetage et l'origine. Les amendes payées correspondent au maximum à 10% du bénéfice réalisé en fraudant.
En ce qui concerne le vin la DGCCRF a épinglé la SICA du Val d'Orbieu dans les années 80, puis Rieux, puis Geens à Bordeaux, puis Sieur d'Arques à Limoux (faux pinot). Il y a, à chaque fois, tromperie sur l'étiquetage et l'origine. Les amendes payées correspondent au maximum à 10% du bénéfice réalisé en fraudant.
Merci de m'avoir permis de m'exprimer. Salut et profond respect aux deux personnes interviewées.