Cantines scolaires : la qualité en dents de scie
Selon une enquête UFC Que choisir, l'équilibre alimentaire est tantôt respecté, tantôt ignoré. Tour d'horizon de la région.
Bon bilan pour les écoles publiques, médiocre pour les collèges et lycées publics, "bonnet d’âne" pour le privé... Voilà les conclusions, façon bulletin scolaire, de l’UFC Que choisir. L’association de défense des consommateurs vient de boucler une enquête nationale, avec ses déclinaisons régionales, sur l’équilibre nutritionnel dans les cantines. "Les experts n’ont pas goûté, ils ont étudié la norme d’après documents", explique Joël Dufour, président régional de l’UFC. En tout, 12 000 menus ont été analysés au niveau national, l’enquête se basant sur 20 repas successifs dans chaque établissement.
Des résultats décevants dans les collèges et lycées publics
En région, l’UFC note "une impressionnante montée en régime de la qualité" dans les écoles publiques (16,2 sur 20 dans les écoles testées), "des résultats décevants" dans les collèges et lycées publics (11,4 sur 20 en moyenne pour les cinq établissements étudiés) et enfin à peine la moyenne pour les trois établissements privés analysés... On notera tout de même un sacré biais dans cette analyse un brin radicale : les 10,5 sur 20 obtenus dans le privé sont à relativiser, vu le peu d’établissements concernés. "Ce ne sont pas des résultats significatifs au niveau régional, on peut effectivement critiquer la méthode", reconnaît Joël Dufour, président régional de l’UFC Que choisir.
La palme du mauvais élève revient à l’école primaire Saint-François d’Assise, à Montpellier, qui obtient 6,7 sur 20. "Ce qu’on donne à manger aux enfants est trop bon, trop équilibré et trop frais pour avoir une note pareille, s’insurge la directrice adjointe de l’école, Mme Masson. "On va attaquer devant les tribunaux, tellement on est sûr de nous. On suit les directives nationales, européennes, en s’adossant au groupe Scolarest qui nous fait bénéficier de son expertise. On a par exemple retiré l’huile de palme."
"La réglementation a produit son effet"
Reste une tendance nationale, bien plus représentative : dans les écoles, la moyenne pour le public est de 15,2, quand elle n’est que de 11,3 pour le privé. Le décrochage viendrait du fait, diagnostique Joël Dufour, que "ce n’est plus la commune qui est responsable, mais le chef d’établissement". Et selon le vice-président de l’UFC Montpellier, Claude Gaubert, "si les établissements ont plus l’œil rivé sur le coût, et c’est vraiment le cas dans le privé, la tentation est grande" de maltraiter l’équilibre alimentaire.
La loi étant devenue plus contraignante (lire ci-dessous), les municipalités ont fait des progrès, estime Joël Dufour : "Dans une de nos précédentes études, Perpignan était classée dans les mauvais élèves en 2005. La réglementation a produit son effet. La ville a une note de 16,1 cette fois-ci. Sur 100 communes testées en 2005, 16 écopaient de médiocre ou mauvais. Sur ces 16, on en a réétudié 12, dont Perpignan. Et leur note moyenne est de 15,5 sur 20."
L'art de détourner la norme
Charge au législateur de rester vigilant sur la question et aux élus, insiste Joël Dufour, "de ne pas laisser la bride sur le cou au délégataire", même si "la tendance est à la simplification de l’administration, à la réduction des dépenses", complète Claude Gaubert. Selon lui, les parents d’élèves, "à travers leurs représentants, peuvent faire pression pour que les choses s’améliorent". Et tous se doivent d’avoir un œil de lynx sur les menus... "On s’est aperçu que certains mettaient de la viande non hachée ou du poisson le mercredi parce qu’il y a moins de monde...", s’agace Claude Gaubert. Ou l’art de détourner la norme.
"LE CAPRICE DES NORMES EXCESSIVES"
Une loi de 2010 avait renforcé les contraintes en matière d’équilibre nutritionnel dans les cantines.Un décret d’application était tombé en 2011. "Les choses évoluaient très lentement, explique Claude Gaubert, vice-président de l’UFC Que choisir de Montpellier. Tout le monde a dit “Il faut passer de l’incitation à des choses plus contraignantes”." Patatras un an et demi plus tard, selon l’UFC...
La réglementation alimentaire dans les cantines viendrait se rajouter à un arsenal de dispositifs qui hérissent le poil de la commission consultative d’évaluation des normes (CCEN). "Je comprends que moins on a de règles à appliquer, moins on risque de choses et que c’est un problème encore plus grand pour les petites communes", résume Claude Gaubert.
La qualité nutritionnelle, à ranger du côté "des tracasseries administratives"
Le président divers droite du conseil général de l’Orne et président de la CCEN, l’ex-ministre Alain Lambert, a été chargé en décembre d’une mission auprès du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Objectif : établir une liste de normes à abroger pour les collectivités. "Je ne prendrai jamais le risque de voter des dépenses dans le budget de mon département qui auraient pour effet de sacrifier l’équilibre des finances au caprice des normes excessives", insiste Alain Lambert. Il estime que "la qualité nutritionnelle ou d’autres caprices de cet acabit" est à ranger du côté "des tracasseries administratives" et ne fait pas partie de "la catégorie des intouchables" qui "ne sauraient supporter la moindre limitation".