dimanche 19 janvier 2014

Drôme : poissonnier, il a lancé un élevage de grenouilles unique en France

Patrice François nourrit ses amphibiens avec des aliments pour poisson.
Patrice François nourrit ses amphibiens avec des aliments pour poisson. (MIKAEL ANISSET )
Patrice François bichonne ses grenouilles bénites. Il est raniculteur.
C’est aux portes de la Provence, dans la Drôme, que Patrice François nourrit depuis 2010 son rêve : devenir raniculteur. De sa Loire natale au Rhône, pour ce poissonnier de profession, il n’y a qu’un saut de grenouille. C’est en effet à Pierrelatte que ce passionné a donné naissance à un élevage industriel, unique dans l’Hexagone.
Un comble pour les Français, grands consommateurs de cuisses de grenouilles. Ce qui leur vaut d’ailleurs l’étrange sobriquet de Froggies chez les “Rosbeef”. "En frais, les Français en consomment 800 tonnes par an", annonce Patrice François. Elles proviennent en presque totalité de l’étranger, essentiellement de l’Asie. Les surgelés font aussi un bond gigantesque : "Quelque 4 000 tonnes arrivent chaque année de l’étranger."
"On a monté un circuit fermé nous permettant de réutiliser l’eau"
Ce nouveau marché made in France est donc juteux. Pour faire prospérer son affaire et donner plus de chair à ses petits batraciens, le poissonnier parcourt chaque semaine 300 km entre Roanne où il a repris la barre de la poissonnerie familiale et Pierrelatte. C’est là, sous 2 500 m2 de serres, que des milliers de grenouilles coassent de bonheur.
Des milliers de grenouilles coassent de bonheur
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le raniculteur a démarré sa nouvelle activité au pays de l’atome, comme l’avait fait avant lui la Ferme aux crocodiles. "Ici, il y avait d’une part une vraie volonté politique de développer l’aquaculture, explique-t-il. Mais on est aussi venu là pour la chaleur et l’eau." Pour avoir une température constante toute l’année, entre 23 et 25° C, il se sert de l’eau issue des systèmes de refroidissement des usines du site nucléaire de Tricastin. "On a monté un circuit fermé nous permettant de réutiliser l’eau." Écologique mais surtout une économie non négligeable pour le professionnel qui ne peut pas encore vivre pleinement de sa nouvelle passion.
 "Il m’a fallu dix ans pour monter ce projet d’élevage"
Pour pouvoir démarrer son activité, le raniculteur a dû acheter 2 500 mâles reproducteurs à l’Institut national de la recherche agronomique de Rennes. "Il m’a fallu dix ans pour monter ce projet d’élevage." Sans expérience et avec pour unique savoir-faire, son expérience des truites transmises par son père et avant lui son grand-père, pisciculteurs.
Homme de défi, Patrice François n’a pas baissé les bras, aidé par le chercheur français de l’Inra André Neveu, aujourd’hui à la retraite. "Il a réussi à domestiquer la grenouille Rana ridibunda, détaille le poissonnier. À l’origine, il s’agit d’une espèce sauvage protégée se nourrissant exclusivement d’insectes. La souche Rivan 92, que ce spécialiste de la raniculture a mis au point permet désormais à l’amphibien de pouvoir ingérer des aliments inertes destinés aux poissons d’élevage."
Quatre tonnes produites en 2013
Dans la Drôme, de la naissance jusqu’à la salle d’abattage agréée par les services vétérinaires, l’éleveur prend soin de ses pensionnaires qui finissent sur les étals de ces deux poissonneries de Roanne mais aussi dans les cuisines des restaurateurs. "À Dombes, près de Lyon, une région friande des grenouilles." Avec quatre tonnes produites en 2013, pas de quoi approvisionner l’ensemble de l’Hexagone. Le raniculteur ambitionne d’atteindre "une vingtaine de tonnes". Un élevage qui a, assurément de la cuisse !
JENNIFER FRANCO
source Midi Libre
http://www.midilibre.fr/2014/01/18/patrice-francois-bichonne-ses-grenouilles-benites,810127.php