mardi 30 juillet 2013

SOCIÉTÉ

«La mer n’est pas une flaque d’eau»

Sur la promenade des Anglais, à Nice. La baignade a été interdite dans cette zone ce lundi matin pour permettre d'effectuer des contrôles sanitaires après un violent épisode orageux.
Sur la promenade des Anglais, à Nice. La baignade a été interdite dans cette zone ce lundi matin pour permettre d'effectuer des contrôles sanitaires après un violent épisode orageux. (Photo Eric Gaillard. Reuters)
    INTERVIEW Après la série d'accidents mortels sur le littoral méditerranéen ce week-end, le préfet maritime de la zone, Yann Tainguy, rappelle les dangers et les précautions de base à prendre.
Dans la seule journée de dimanche, sept personnes sont mortes noyées sur le littoral de l’Hérault. Il s'agissait uniquement d'hommes, âgés de 42 à 73 ans, qui se sont baignés alors que le drapeau orange ou rouge était levé à cause des vents violents. Sous-estime-t-on les dangers de la mer Méditerranée ? Les réponses de Yann Tainguy, vice-amiral d’escadre et préfet maritime en charge du sauvetage et de la sécurité sur le pourtour méditerranéen (Languedoc-Roussilon, Corse et Paca).
La Méditerranée est-elle dangereuse ?
La mer n’est pas une flaque d’eau. Ce n’est pas parce qu’elle ressemble à un lac, toute bleue et calme, qu’elle est sans danger.  Il y a toujours un risque. Je dis toujours : en Méditerranée, le vent tue. Chaque région a ses caractéristiques et ses dangers. Dans les Bouches-du-Rhône, en Camargue et à l’ouest de Paca, il faut se méfier du mistral. Il peut arriver vite et souffler fort : il vient de la terre et pousse vers le large. Le cas typique : vous barbotez sur un matelas pneumatique et en quelques minutes, vous dérivez. En Languedoc-Roussillon, c'est la tramontane, ce vent venant de la montagne et qui, comme le mistral, éloigne vers le large.
C’est ce qui s’est passé ce week-end dans l’Hérault ?
Non. Il s’agit encore d’un autre phénomène météorologique : les coups de vent violents provenaient dimanche de la mer, les vagues sont alors importantes, avec des courants localisés qui déstabilisent les baigneurs. Cela se produit deux à trois fois chaque été. Les municipalités, en charge de la sécurité des plages, avaient interdit ou fortement déconseillé la baignade mais certains n’en ont visiblement pas tenu compte.
Peut-on dire que les gens adoptent plus de comportements à risque en Méditerranée que sur la façade atlantique ou la Manche ?
Je n’ai pas d’élément qui permet de le dire. Il est vrai que les marées rappellent, deux fois par jour, les dangers. En Méditerranée, on a tendance à oublier les risques. Disons aussi que la pression de la chaleur est plus forte sur le littoral méditerranéen. La mer a beau être mauvaise, il fait tellement chaud que les vacanciers se baignent malgré tout. Mais la dangerosité est surtout liée à la fréquentation. Plus il y a de personnes sur les plages et dans l’eau, plus le risque d’accident est important. La Méditerranée est très fréquentée. Surtout, cohabitent dans un endroit restreint beaucoup de personnes pratiquant des activités de plus en plus nombreuses et variées. Cela multiplie les accidents.
Combien de personnes meurent tous les ans en Méditerranée ?
En 2012, au moins 90 personnes sont mortes lors de baignades sur le littoral méditerranéen (Paca, Languedoc-Roussillon et Corse). La plupart du temps, les noyades se produisent tout près du bord, à 20 ou 30 mètres. Dans ces cas-là, c’est d’abord les sauveteurs des plages, employés par les mairies, qui tentent de leur porter secours. Quand c’est en pleine mer, après une bande de 300 mètres environ, je mobilise mes services, les Cross (centres régionaux opérationnel de surveillance et sauvetage). Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La marine, la société de sauvetage en mer ou encore l’administration des affaires maritimes peuvent être appelés. Lors des quatre mois d’été, on intervient une dizaine de fois par jour. En 2012, on a secouru plus de 5 000 personnes, dont plus de la moitié en Paca, la côte la plus fréquentée.
Hormis la baignade, quels sont les autres pratiques causant le plus de décès ?
Chaque année, une quinzaine de personnes meurent en plongée. On compte aussi des apnéistes : trois sont ainsi décédés l’année dernière. Immanquablement, il y a de graves accidents dans des collisions. Tous les ans, une embarcation percute un baigneur. En 2012, on a recensé aussi huit personnes, mortes après être tombées d’un bateau de plaisance. D'autres se font prendre par les hélices. Des accidents bêtes. Assurez-vous toujours que vous connaissez bien l'activité que vous allez pratiquer et les risques. Quand vous louez un bateau, sachez utiliser la radio pour alerter en cas de problème. En kitesurf, connaissez les limites d'utilisation en cas de vent. Et consultez toujours les prévisions météo.