Hérault : pourquoi la mer a tué ?
Sept noyades sur les plages pourtant surveillées du département le week-end dernier.
Météo, organisation des secours, comportements individuels... Comment expliquer ce dramatique week-end, qui a fait sept morts (voir infographie).
1 Pourquoi ce terrible bilan ?
"C’est un week-end noir, malheureusement dû à l’imprudence des baigneurs, estime Pierre de Bousquet, le préfet de l’Hérault. Quand le drapeau est rouge, il est interdit de se baigner. Mais je ne peux pas mettre un policier derrière chaque baigneur." Même son de cloche pour Stéphan Rossignol, le maire de La Grande-Motte, qui dénonce "l’inconscience des nageurs".
"Le phénomène des baïnes est connu sur la côte Atlantique, beaucoup moins en Méditerranée. Même avec le drapeau rouge, les gens sont imprudents", analyse Nicolas Renaud, officier des affaires maritimes au Cross Med. Pour lui, "des morts auraient pu être évitées".
2 Les secours étaient-ils adaptés ?
"On a soixante postes de secours sur treize communes littorales", rappelle le préfet, qui souligne que les postes ont été renforcés et sont restés ouverts exceptionnellement jusqu’à 20 heures.
"On ne peut pas être partout et on ne peut pas être présent 24 h sur 24 h", assène Stéphan Rossignol à La Grande-Motte. Mais pour lui, les maires, responsables de la sécurité de la baignade, ont mis des moyens adaptés : "Pour 7 km de plage, on a six CRS maîtres-nageurs sauveteurs et 14 saisonniers, avec canoë et jet ski, un dispositif doublé d’une brigade nautique avec des policiers municipaux, et une vedette qui parcourt la bande des 300 mètres. Ils peuvent demander aux gens de sortir de l’eau avec un porte-voix. Ce week-end, on n’était pas dans ces conditions", estime-t-il.
Au CHU de Montpellier, si le centre 15 a été très sollicité, avec une soixantaine d’appels pour des noyades en trois jours, il n’a à aucun moment été débordé, affirme Isabelle Giraud, responsable des urgences, d’astreinte le week-end dernier. Les patients les plus atteints ont été hospitalisés dans l’établissement : une dizaine de personnes à un stade 2 grave ou à un stade 3, et quatre personnes à un stade 4. Parmi ces dernières, deux sont décédées. L’hélicoptère de la Sécurité civile et le Dragon sont sortis à plusieurs reprises.
3 Fallait-il fermer les plages ?
"C’est une responsabilité municipale, rappelle le préfet Pierre de Bousquet. On a suggéré aux maires d’arborer le pavillon rouge compte tenu de la dangerosité de la mer. Mais je n’envisage pas d’interdire la totalité des plages du littoral languedocien sous prétexte qu’un certain nombre d’invidus prennent des risques. Vendredi, tout le monde a été surpris, car il n’y avait pas eu d’alerte météo annonçant des vagues submergeantes."
Christian Jeanjean, maire de Palavas : "A aucun moment je ne me suis dit qu’il fallait fermer."
4 Pouvait-on mieux informer ?
"On a un dispositif avec des professionnels confirmés et qui font une pédagogie constante", insiste le préfet, qui n’envisage pas de communication particulière envers les touristes sur les risques de la mer : "On peut imaginer que le bruit fait autour de ces noyades leur serve de leçon."
5 Quelles leçons doit-on en tirer ?
"Peut-être faudra-t-il éduquer les vacanciers sur les dangers de la Méditerranée", envisage Christian Jeanjean, maire de Palavas.
"On va regarder ce qui s’est passé, et tout cela sera réévalué, assure encore Pierre de Bousquet. Je vais envoyer une lettre à la totalité des maires de l’Hérault pour leur rappeler la rigueur et l’exigence à montrer de la fermeté dans le respect du pavillon rouge."
Emporté par le courant, un sauveteur en mer vous conseille.
AUCUN MORT DANS L’AUDE, OÙ LES SECOURS SE DISTINGUENT
Sept morts dans l’Hérault, aucun dans l’Aude, alors que les conditions sur les plages étaient identiques : la comparaison mérite réflexion, d’autant que les secours sont organisés différemment sur le littoral audois. Là où les stations héraultaises délèguent à des maîtres nageurs, souvent de la SNSM, ou aux CRS la surveillance des plages, dans l’Aude, les pompiers jouent un rôle prépondérant.
"On prend en charge l'intégralité de la chaîne"
« Hormis à Narbonne et à Port-la-Nouvelle, on prend en charge l’intégralité de la chaîne », explique le colonel Henri Benedittini, patron du Sdis 11.
« On forme les sauveteurs, on fournit le matériel et le système de transmission, ce qui est très important. La municipalité s’occupe des postes, du panneautage pour l’information des gens sur les risques liés à la mer, et du balisage. » Et on adapte le dispositif à la météo : « On sait qu’avec du vent de sud-est, on a ici un phénomène de courant de baïnes proche de ce qu’on trouve en Atlantique. Même avec une très faible hauteur d’eau, le courant vous fauche et vous entraîne vers le large. On a envoyé nos sauveteurs se former là-bas. Et on s’inspire de ce qu’ils font face à l’océan, pour ces journées qui sont exceptionnelles chez nous. »
Impossible d'interdire totalement la baignade
Car lorsque la mer grossit, il devient impossible pour un poste de secours de surveiller 400 m de plage. « Mais c’est aussi impossible d’interdire totalement la baignade aux vacanciers qui veulent un minimum de joie aquatique. Alors on hisse le drapeau orange, et on restreint la zone de baignade, sur un secteur de 50 à 100 m. Avec quatre sauveteurs, sur l’équivalent d’une piscine, on peut faire face. »
En dehors de ces zones, la baignade est interdite.
"Les gens font totalement confiance aux pompiers"
Et cette consigne plutôt bien respectée : « Avec du vent de sud-est, le risque de feu de forêt est moins important », poursuit l’officier des pompiers. « Donc on rapatrie nos moyens vers les plages, on montre les camions, et ce sont des sapeurs-pompiers, plutôt âgés et en uniforme, qui vont demander aux baigneurs de sortir. Les gens font globalement confiance aux pompiers quand ils viennent leur dire qu’ils sont en danger là où ils se baignent, mais qu’un peu plus loin, ils peuvent nager sans s’exposer. Dans 95 % des cas, ça se passe bien. »
Au cours de ce week-end tragique, les pompiers audois ont ramené au sec une petite dizaine de baigneurs en difficulté. Tous sont aujourd’hui vivants.
SOPHIE GUIRAUD et FRANÇOIS BARRÈRE
Midi Libre