Prévue au 1er janvier 2016, l'interdiction des sacs
plastiques va être repoussée au 1er juillet 2016 pour permettre aux commerçants
d'écouler leurs stocks.
En votant oui à l’interdiction des sacs plastiques pour
2016, dans le cadre de la loi biodiversité, les députés pensaient bien faire.
Mais c’était sans compter les effets pervers de cette
décision, qui risque de détruire des emplois et de peser sur les entreprises de
recyclage du plastique. La filière s’est en effet développée grâce à des
petites entreprises, qui souffrent déjà depuis plusieurs mois en raison de la
baisse des prix de pétrole.
En effet, la chute du prix du pétrole rend les tarifs du
plastique recyclé peu attractif. Entre la collecte et le traitement, le
recyclage a en effet un coût qui rend actuellement le plastique recyclé plus
cher que le plastique vierge. Et le rétrécissement du marché imposé par
l’interdiction des sacs risque de lui être fatal. D’autant que la loi prend les
professionnels de court : commerçants et distributeurs de sacs plastiques
ont des stocks à ne plus savoir qu’en faire. Les artisans sur les marchés par
exemple achètent souvent pour deux ans de stock, pour avoir accès à des tarifs
plus bas.
Une interdiction reportée de 6 mois
Selon nos informations, Bercy aurait été sensible à cet
argument. Le cabinet d’Emmanuel Macron a donc décidé de décaler la mesure de 6
mois, en demandant que le décret d’application de la loi précise que les sacs
plastiques de caisse ne seront pas interdits avant le 1er juillet
2016. Au ministère du Développement durable, à la manette sur le sujet
puisqu’il s’agit de l’application de la loi sur la transition énergétique, on
élude toutefois la question.
Pour les professionnels, le report est acquis, même s’il
n’est pas perçu comme une victoire. « On va avoir 6 mois de sursis, mais ensuite
on mettra en péril une filière de 3000 emplois » prévient Marc Madec,
directeur développement durable à la fédération de la Plasturgie et des
Composites.
La loi sur la transition énergétique se fixe comme objectif
une hausse de 30 %, de 2010 à 2030, du rapport entre son produit intérieur
brut et sa consommation intérieure de matières. Dans le même temps, elle vise à
une diminution de la consommation intérieure de matières par habitant.
La bataille des microns
Dans ces conditions, les acteurs de la filière attendent
avec hantise le décret d’application qui précisera quel sac peut ou non
continuer ou non d’être commercialisé. Pour l’instant, le gouvernement
prévoit d’autoriser exclusivement les sacs d’une grande contenance, et d’une
épaisseur de 50 microns, là où les sacs de supermarchés à usage multiple font
plutôt entre 25 et 30 microns aujourd’hui.
« C’est aberrant, on va faire grossir la taille des
sacs alors que l’objectif de la loi est de réduire la consommation de
matière » proteste encore M. Madec.
Des sacs compostables, mais non recyclables
D’autant que la loi prévoit pour l’instant d’autoriser en
revanche totalement les sacs « compostables en compostage
domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées, »
appelés à remplacer les sacs plastiques fruits et légumes en janvier 2017.
Une phrase sibylline. Les sacs plastiques réalisés à partir
de matière végétale peuvent en effet contenir jusqu’à 60 % de matière
d’origine fossile, du moins jusqu’en 2017. Et de toute façon ils ne sont pas
vraiment biodégradables dans un compost domestique, mais plutôt dans un compost
industriel organisé. Pour cela, il faudrait qu’ils soient collectés dans des
collectes spécifiques de matière organique, ce qui n’existe quasiment pas en
France.
Ces sacs, qui risquent donc de proliférer à partir de
janvier prochain, posent en revanche un problème à la filière de recyclage du
plastique : ils doivent en effet être triés des sacs en pur plastique pour
ne pas dégrader le résultat final. « La situation pose déjà problème dans
les déchetteries, où les sacs poubelles sont séparés des déchets par tri
optique. Mais le dispositif ne peut pas trier les sacs biosourcés, qui viennent
contaminer le reste des sacs » précise Alfred Rosales de la Federec.
Une fois «contaminées », les balles de plastiques
recyclées ne peuvent être réutilisées et sont donc incinérées. Une critique
confirmée par Piotr Barczak, de l’ONG EEB à Bruxelles. « Il faut garder en
tête que les sacs biosourcés ne se décomposent pas bien notamment en
environnement marin. Il faut les collecter séparément, et ne pas les mélanger
aux autres plastiques recyclés. » assure-t-il.
CONTEXTE
La directive
relative aux déchets révisée par l'Union comprend une hiérarchie des
déchets contraignante qui définit des priorités en matière de traitement des
déchets.
Cette hiérarchie promeut la prévention des déchets, suivie
de la récupération, du recyclage et de la réutilisation. Les décharges ne
peuvent être utilisées qu'en dernier ressort.
Pour se conformer à cette directive, les États membres de
l'UE sont obligés de définir des plans d'action de gestion des déchets après
avoir analysé leur situation actuelle en la matière.
Les pays devront également mettre en place des programmes de
prévention des déchets d'ici fin 2013 dans le but de rompre le lien entre
croissance économique et impacts sur l'environnement liés à la génération de
déchets.
LIENS EXTERNES
Commission européenne
ADEME
Plastic Marine Litter