En haut : une vue de l’étang au printemps. En bas : un blongios nain un héron pourpré (photos ONCFS et X. Rufray)
La réserve naturelle nationale de l’étang de l’Estagnol, à Villeneuve-lès-Maguelone, fête ses 40 ans. Incursion sur ce site magique et mystérieux interdit au public.
A Villeneuve-lès-Maguelone, dans l’Hérault, le panneau « Réserve naturelle de l’Estagnol » est inséparable de l’« Interdit au public ». C’est une caverne d’Ali Baba sans sésame pour les amoureux de la nature. On a beau en faire le tour, regarder entre les saules ou prendre un point de vue en hauteur, on ne peut qu’apercevoir des foulques macroules, quelques aigrettes garzettes, un busard des roseaux peut-être, survolant la roselière à la recherche d’une proie. Pourtant, les mordus de nature, les vrais, ne passeront pas la clôture en douce. Ils savent bien que les écosystèmes y sont en équilibre fragile.
La réserve de l’Estagnol représente 78 petits hectares d’un concentré d’espèces animales et végétales. Caractérisée par son eau douce, tandis que les Salines toutes proches sont d’eau salées, elle est en grande partie recouverte par une roselière (60ha) qui abrite des populations d’oiseaux paludicoles (qui vivent dans les marais) et des passereaux, tels le bruant des roseaux whiterbii, une espèce typiquement méditerranéenne.
On peut espérer voir des espèces rares comme le butor étoilé ou le héron pourpré. En hiver, ce sont des colonies entières de canards et de foulques qui viennent hiberner à l’abri de tout dérangement. Seules les treize juments de la réserve ont droit de cité, et uniquement sur les zones de prairies où elles doivent pâturer pour entretenir les lieux.
Le perce oreille Nala lividipes
De nombreuses études scientifiques ont pris la réserve pour champs d’investigation. On y dénombre les oiseaux bien sûr, mais aussi les papillons, les chauve-souris, les champignons, les araignées, les plantes... Plus de 20 000 passereaux migrateurs y ont été bagués et la désignent comme un havre de paix repéré pour le repos et la reproduction.
Des espèces y ont même été découvertes, tel le perce oreille Nala lividipes.
Loin d’avoir toujours été aussi tranquille, l’étang de l’Estagnol a dans ses chairs un lourd passé qui lui donne sa physionomie si particulière. Traversé de roubines, il a été divisé en bassins pour l’exploitation du sel dès le 12ème siècle. Ses roseaux ont servi à la confectionner de toitures et d’objets de vannerie à la fin du 19ème siècle. En 1926, les étangs sont acquis par le groupe industriel Péchiney, qui y exploite la bauxite et détériore le site. C’est en 1965 que le Conseil supérieur de la chasse (aujourd’hui Office national de la chasse et de la faune sauvage) devient propriétaire de l’étang et décide de le préserver. Dix ans plus tard, il est classé Réserve naturelle nationale. « Pour les gens de Villeneuve, l’étang a toujours été une zone de non-chasse », souligne un Villeneuvois.
Les chasseurs y sont formés
Les chasseurs ont toujours dû attendre que le gibier d’eau s’envole hors de la zone pour le viser. Leurs rapports avec les naturalistes et chasseurs n’ont pas toujours été idylliques, mais le partenariat est aujourd’hui ancré dans le territoire. Les chasseurs qui viennent juste d’obtenir leur permis bénéficient même d’une formation spécifique au coeur de la réserve, destinée à leur donner une meilleure connaissance de l’écosystème.
« Pour moi, ce n’est pas une zone que l’on doit considérer sous cloche, précise Régis Gallais, son directeur depuis 3 ans. Il s’agit plutôt d’un laboratoire pour le territoire. Les espèces dont on fait l’inventaire passent aussi de l’autre côté de la clôture. La cistude d’Europe qui a été réintroduite, par exemple, va pondre dans les vignes du voisin. Cela nous invite à élargir notre champ de vision et d’action ».
Helene Gosselin
source : http://www.lamarseillaise.fr/herault/developpement-durable/43806-un-concentre-d-especes-sur-a-peine-78-hectares