LE PLUS. Un astéroïde doit heurter la Terre d'ici quelques jours. C'est la rumeur alarmiste qu'ont relayés de nombreux sites, poussant la Nasa à rédiger un communiqué de démenti. Les phénomènes spatiaux font souvent l'objet de fausses informations, pourtant faciles à vérifier, comme nous l'explique notre chroniqueur Jean-Paul Fritz.
Édité par Rozenn Le Carboulec Auteur parrainé par Benoît Raphaël
Illustration d'un astéroïde entrant en collision avec la Terre (Don Davis/Wikimedia Commons)
Ce n'est pas l'Apocalypse, mais presque. Entre le 15 et le 28 septembre, un astéroïde doit frapper la Terre, plus exactement dans le golfe du Mexique, non loin de Porto Rico, et provoquer un tremblement de terre de magnitude 12 avec un tsunami de 100 mètres de haut... C'est en tout cas "l'information"relayée par nombre de sites conspirationnistes et alarmistes, et le phénomène a pris une telle ampleur que la NASA elle-même a dû se fendre d'un communiqué démentant la rumeur.
"En fait, le programme Near-Earth Object Observations dit qu'il n'y a eu aucune observation d'astéroïdes ou de comètes qui pourraient impacter la Terre dans un futur prévisible", précise l'agence spatiale américaine. "Tous les astéroïdes potentiellement dangereux ont moins de 0,01% de chances de toucher la Terre dans les 100 prochaines années."
L'astéroïde qui allait s'écraser sur la Terre ou la Lune
Même les meilleurs peuvent se faire piéger par la rumeur ou par des informations fragmentaires. Ainsi, en 2003, un astronome amateur détectait un objet dont la trajectoire l'amenait quasiment en orbite autour de la Terre.
Baptisé J002E3, l'objet en question a fait durant quelques semaines l'objet de l'attention des observateurs terrestres, qui ont fini par l'identifier : il s'agissait d'un morceau de fusée, et plus précisément le troisième étage de la fusée Saturne 5 qui a envoyé Apollo 12 dans son voyage lunaire en 1969.
Mais au mois d'août de cette année, le compte Twitter SciencePorn, pourtant généralement très pointu sur la question, revenait sur l'aventure en parlant d'un "astéroïde qui est presque entré en collision avec la Terre et la Lune en 2003". Le tweet a été effacé depuis, mais cela montre bien les précautions à prendre avec les informations trouvées en ligne...
Gif animé de la trajectoire de l'objet J002E3 (Nasa)
Mars grosse comme la pleine Lune
Le canular pseudo-scientifique a aussi pour caractéristique d'avoir la vie dure et de se répéter d'année en année. Ainsi, voici quelques semaines, vous avez peut-être vu passer sur vos réseaux sociaux une "info" vous expliquant que Mars allait être aussi grosse que la pleine Lune le 27 août, que c'était un événement qui ne se reproduisait qu'une fois tous les quelques siècles, et qu'il ne fallait surtout pas le manquer.
Bien entendu, Mars vue de la Terre ne peut pas paraître aussi grosse que la pleine Lune, même si le diamètre de la planète rouge est presque le double de celui de notre satellite.
Pour qu'elles puissent paraître de taille similaire dans le ciel terrestre, il faudrait que Mars se trouve à 766.000 kilomètres de nous. Or, lorsqu'elle se situe au plus près, Mars est tout de même à 56 millions de kilomètres de la Terre. Alors, d'où vient le canular ? Space.com l'a très bien décodé : il provient d'un email totalement légitime envoyé en 2003, qui a été mal interprété et déformé.
L'email originel, intitulé "Mars Spectacular" (Mars spectaculaire) concernait le passage de Mars au plus près de la Terre (les fameux 56 millions de kilomètres). Dans ce mail, l'auteur inconnu expliquait que le 27 août (2003) Mars serait l'objet le plus brillant dans le ciel après la Lune, et qu'avec une lunette magnifiant 75 fois elle pourrait paraître aussi grosse que la pleine Lune vue à l'œil nu.
"La plupart des gens ont passé sur les mots 'à un grossissement de 75' et se sont focalisés sur 'Mars paraîtra aussi grosse que la pleine Lune à l'œil nu"", explique Space.com. "Bien entendu, le message est vite devenu viral et a été passé à d'innombrables destinataires qui n'ont pu résister à l'envie de le transmettre à leur carnet d'adresse complet. C'est ainsi que le canular de Mars est né". Et depuis, chaque année en août, le message en question refait surface...
La fausse "seconde lune" de la Terre
Une autre rumeur, beaucoup moins alarmiste celle-là, consiste à dire que l'on a découvert une seconde lune naturelle à la Terre. Il s'agit ici non pas d'une fausse information, mais d'une interprétation biaisée de données scientifiques. Cruithne est un bout de roc de 5 kilomètres de long, dont on n'a déterminé l'orbite exacte qu'en 1997. Le côté original de cet objet est qu'il tourne autour du Soleil tout en restant proche de la Terre. Et c'est justement le point de vue qui est à l'origine des interprétations "lunaires" le concernant.
Vue du Soleil, l'orbite de Cruithne croise celle de la Terre.
L'orbite de Cruithne vue du Soleil
Vu de celle-ci, en revanche, on peut avoir l'impression que l'astéroïde effectue des tours désordonnés autour de nous dans une "orbite en fer à cheval". Cette proximité relative a donc valu à Cruithne son surnom, impropre, de "seconde lune"... alors que la Terre n'a qu'un seul satellite naturel.
L'orbite de Cruithne vue de la Terre
Gare aux informations un peu trop spectaculaires
De la fin du monde inscrite dans le calendrier maya aux lapins sur Mars en passant par le grand frisson de tous les blocs de rocher censés s'écraser sur nos têtes, internet est le grand amplificateur des rumeurs, théories fumeuses et autres désinformations.
Les astéroïdes ne sont pourtant pas un danger à négliger, comme le rappellent les initiateurs du projet "asteroid day". Il est cependant possible de ne pas tomber dans ces pièges, en creusant un peu et en décodant le langage employé par les scientifiques. Par exemple, lorsque les astronomes parlent de passages "près de la Terre", leur notion de proximité n'a rien à voir avec un danger potentiel... il peut très bien s'agir d'un astéroïde qui croise paisiblement à plusieurs fois la distance Terre-Lune.
Le mieux, pour ce qui concerne les "géocroiseurs" (astéroïdes dont l'orbite croise celle de la Terre) est d'aller chercher des informations sur les sites de référence, comme celui de la NASA ou encore le Minor Planet Center de l'union astronomique internationale. Et en général, pour toute information un peu trop spectaculaire, de vérifier sur des sites universitaires et scientifiques qui étudient le domaine concerné.
Par Jean-Paul Fritz