Le littoral héraultais a été durement touché pendant la
tempête de 1982.PHOTO d'archives
Pour les spécialistes, il faut s'adapter rapidement. Sujet
central à la 7e fête de la biodiversité à Montpellier les 25 et 26 septembre.
Même les assureurs en ont des suées. L'un des plus
importants, Generali, vient de constituer une équipe pluridisciplinaire
incluant statisticiens, géographes, climatologues, etc. Le but : limiter le
risque lié au changement climatique au plus près de l'assuré. C'est le message
que délivrera Laurent Boissier à Montpellier le 26 septembre lors de tables
rondes organisées par France nature environnement qui a baptisé l'événement
Refaisons le climat. Ce Gardois a été recruté il y a six mois par Generali, qui
compte six millions de clients.
Le niveau de la mer monte
La démarche est inédite : "Le niveau de la Méditerranée
pourrait augmenter d'un mètre en un siècle selon une étude de la Nasa avec
quelque 100 000 logements concernés dans la région. C'est considérable, confie
Laurent Boissier. Mais on ne sait pas l'impact que cela peut avoir localement
ni la fréquence des événements de plus en plus extrêmes. Ni quelles seront les
surfaces touchées ; quel accompagnement et quelles préventions et assistance on
peut imaginer. On est devant un ensemble de défis."
Ces idées qui économisent l’eau
Forte d’un épais bilan de connaissances, l’Agence de l’eau
Rhône Méditerranée Corse a lancé un plan d’adaptation au changement climatique
que cinq présidents de région viennent de signer dont celui du
Languedoc-Roussillon. « Il n’y a plus d’incertitudes quant aux conséquences du
changement climatique », confie Laurent Roy. Le directeur général de l’Agence
de l’eau ajoute : « Ce diagnostic nous permet, avec les collectivités, de mener
des actions très concrètes. Au printemps, nous avons par exemple lancé un appel
à projets pour accompagner des collectivités qui veulent réduire les fuites
d’eau dans leur réseau. »
Réutiliser les eaux traitées
Émergent des initiatives inédites comme la réutilisation des
eaux usées. Pionnier, le golf de Spérone en Corse sera entretenu prochainement
de cette manière. Agde a, de la même manière, déposé un dossier pour réutiliser
les eaux usées de sa station d’épuration pour arroser ses espaces verts au lieu
de les rejeter dans les cours d’eau et soulager ainsi les prélèvements dans les
nappes. Autre expérience pilote, Irrialt’o, menée par l’Inra, l’Agence de
l’Eau, Véolia et l’Agglo du Grand Narbonne, vise à réutiliser les eaux,
traitées cette fois, pour irriguer la vigne qui souffre du réchauffement. «
Nous avons l’ambition de soutenir ainsi financièrement tous les projets
expérimentaux qui nous seront soumis », précise Laurent Roy. « L’Agence de
l’eau, qui dispose de 700 M€ de budget, n’a pas sanctuarisé d’enveloppe précise
pour ces projets. Mais chaque ligne du budget peut être mobilisée. »
“Smart-irrigation” et arrosage programmé
Michel Deblaize, délégué régional de l’Agence de l’Eau,
précise : « Nous avons lancé, avec succès, trois appels d’offres en huit ans. »
Exemples : l’Agence a aidé à hauteur de plusieurs millions d’euros l’agglo de
Nîmes Métropole pour refaire son réseau qui perdait 40 % de l’eau transportée.
La commune du Grau-du-Roi, elle, a revu toute la gestion de ses plantations en
développant la “smart-irrigation” : arrosage programmé, conduites moins
fuyardes... « La SNCF a aussi présenté un dossier pour la gestion de l’eau dans
ses principales gares », précise Michel Deblaize.
"Anticiper sur le problème des futurs réfugiés
climatiques" Jean-Paul Salasse, coprésident des Écologistes de l'Euzière
Avec une "petite révolution" espérée :
"S'appuyer sur des mesures de prévention à inventer. Et ainsi éviter
d'augmenter la prime aux particuliers." Sacré défi. Une foule de rapports
des plus grands instituts sur le réchauffement climatique se succèdent. Tous
disent la même chose. Serge Planton, chercheur à Météo France, résume :
"Quoi que l'on fasse aujourd'hui, le réchauffement est à l'œuvre dans
toutes les régions françaises : il faut s'attendre à 1°C de plus sur 50 ans et
à un mètre d'élévation des mers du globe d'ici 2100. Les scénarios
d'aggravation, plus ou moins pessimistes, dépendent des futures émissions de
gaz à effet de serre..."
Intempéries : le réchauffement est en marche
Auteur d'une étude récente, Robert Vautard, du Laboratoire
des sciences du climat et de l'environnement au CNRS, abonde : "Il faut
rester prudent car les paramètres sont très nombreux. Mais les pluies extrêmes,
que l'on peut replacer dans le contexte exceptionnel des événements de
l'automne 2014 dans la région, confirment que le réchauffement est à l'œuvre.
Les maxima de pluies intenses en Cévennes - les plus fortes d'Europe : il peut
y tomber en un jour l'équivalent d'une année de pluie à Paris - sont en hausse
significative depuis un demi-siècle. Cela pourrait être lié à la hausse des
températures. Mais, sur plusieurs décennies, on ne voit pas d'augmentation du
nombre d'événements." De leur virulence, en revanche, oui : "A
l'automne 2014, le Vidourle est monté de cinq mètres en une demi-heure",
rappelle le scientifique. "Hot spot" du réchauffement, la
Méditerranée, en s'évaporant de plus en plus, joue un rôle majeur.
"On perd ainsi un mètre de plage en moyenne chaque
année"
Coprésident des Écologistes de l'Euzière, Jean-Paul Salasse
lance : "Dans notre région, les bouleversements seront essentiellement
concentrés sur le littoral fait de côtes basses sableuses extraordinairement vulnérables . La Méditerranée se réchauffe et - c'est de la physique - monte. Il
y a des disparités mais on perd ainsi un mètre de plage en moyenne chaque
année. L'évaporation de l'eau devient considérable notamment à l'automne et aux
équinoxes ; les épisodes cévenols sont de plus en plus considérables ; les
périodes de sécheresses de plus en plus longues et des pluies diluviennes
s'abattent sur des sols desséchés. Bref, il faut s'adapter." Poser, comme
à Sète, des boudins géotextiles géants, sous l'œil bienveillant des instances
européennes, reculer le trait de côte et déplacer des routes n'est pas
généralisable. Question de coût. Question de prise de conscience.
Littoral en danger
"Il a fallu 20 ans après la tempête centennale de
novembre 1982 pour que le lido de Sète à Marseillan soit traité. Problème : les
choses s'aggravent et il n'est pas sûr que la nature nous laisse encore 20 ans
de plus pour traiter des situations aiguës comme à Leucate, Le Barcarès, Canet,
Argelès, Vias, etc. Sur les cartes des spécialistes européens, notre littoral
est d'ailleurs classé rouge". En danger. "Si demain, s'alarme
Jean-Paul Salasse, on a une tempête comme celle de 1982, on aurait des dizaines
de morts. Il faut anticiper sur le problème des futurs réfugiés climatiques. On
n'a pas le calendrier précis mais on sait que ça arrivera..."
> Fête de la biodiversité, "Refaisons le
climat", les 25 et 26 septembre, bassin Jacques-Coeur, Montpellier. Entrée
libre.
OLIVIER SCHLAMA
Source : Midi Libre