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Chaque année, elles envahissent le littoral méditerranéen. 2015 sera-t-elle une année à méduses ? L’enseignant chercheur Fabien Lombard du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes) a accepté de répondre à nos questions.
Planet : Comment expliquer la prolifération des méduses en mer Méditerranée ?
Fabien Lombard : "Pour l’instant, on ne sait pas ce qu’est réellement une prolifération puisque les méduses sont des animaux difficilement quantifiables. Nous disposons donc depuis les années 1880 de simples enregistrements dits de "prolifération". Dans certains cas, il y avait effectivement une sorte de prolifération, mais dans d’autres non. On avait par exemple un cycle de 12 ans, avec cinq à six ans de présence de méduses, suivi de cinq à six années d’absence. Durant les 20 dernières années, 2015 compris, nous avons en revanche noté la présence systématique des méduses. Donc, en termes de fréquence, il y a effectivement plus de méduses qu’auparavant. Mais en termes d’abondance, je suis incapable de vous donner une réponse. Ce dernier point fait d’ailleurs l’objet de nombreux débats scientifiques puisque nous ne disposons pas des données nécessaires pour y répondre. Pour être sûr et certain d’une éventuelle augmentation, il faudrait au minimum observer trois cycles en quantitatif, soit 45 ou 50 ans. À Villefranche-sur-Mer, nous n’avons ce type de valeur que depuis 2011.
Planet : Est-ce que l’émergence des méduses a un lien avec la météo ?
F. L. : C’est en effet un facteur important, mais pas dans le sens où on l’entend en général. Ma réponse va également être tempérée par rapport aux différentes espèces de méduses. En Méditerranée on a par exemple la Pelagia noctiluca, une méduse violette qui a un cycle de vie de 100% en pleine mer, elle n’a pas de phase "polype" qui correspond à la phase du cycle vital. En revanche, la plupart des autres espèces de méduses ont ce type de phase durant laquelle elles bourgeonnent. On peut ainsi dire que lorsqu’il fait chaud, ces méduses à phase polype ont tendance à se multiplier de manière significative. La Pelagia peut éventuellement être impliquée par les événements climatiques, mais il s’agit de quelque chose de totalement différent.
Planet : Quel est le comportement des méduses ?
F. L. : La Pelagia est une méduse de large, elle aime être dans des zones à courant. Au large de Nice on a par exemple un courant qui passe à environ 30 kilomètres des côtes et on a pu constater que cet endroit comptait de nombreuses méduses. La journée, elles vivent à 300 ou 700 mètres de profondeur, mais la nuit elles migrent toutes en surface pour se nourrir de planctons ou de larves de poisson. Mais il peut arriver qu’en cas de vent, elles se retrouvent sur les côtes. Concernant leur stratégie de chasse, elles fonctionnent uniquement au toucher puisqu’elles sont aveugles. Elles n’ont pas du tout de moyen de détection de proie, c’est pourquoi il arrive parfois que des humains se fassent piquer. Au-delà du comportement migratoire et des techniques de chasse, la Pelagia est une méduse qui peut produire jusqu’à 19 000 œufs par jour. Mais la plupart des jeunes méduses ne parviennent pas à atteindre l’âge adulte car elles peinent généralement à se nourrir.
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Planet : Quels sont les moyens mis en place pour lutter contre cette reproduction massive ?
F. L. : Pour l’instant pas grand-chose. Certaines plages ont à leur disposition des filets anti-méduses. Il existe également quelques bateaux collecteurs de méduse, comme à Antibes. Ce dernier permet notamment de collecter plus de 200 kilogrammes de méduses en une demi-heure. Actuellement, au large de Nice, il y a à peu près 40 tonnes de méduses au kilomètre carré. Peut-on réellement les contrôler ? Je ne sais pas. Le plus important est avant tout de comprendre les causes de ce phénomène.
Planet : Y-a-t-il un risque de propagation dans d’autres régions ?
F. L. : La question que l’on se pose est en effet de savoir si l’on a affaire à une augmentation globale. Actuellement, il y a énormément de problèmes de méduses au niveau des côtes israéliennes, libanaises, namibiennes mais aussi au large de l’Irlande, du Japon et de l’Antarctique. Le phénomène est donc particulièrement fréquent. Mais il faut tout de même savoir qu’en termes d’abondance, la Méditerranée se porte relativement bien en comparaison à d’autres pays. Au Japon par exemple, les méduses font près de 200 kilogrammes et mesurent deux mètres de diamètre. Certaines d’entre elles ont déjà coulé des bateaux en étant prise dans des filets. En Australie, les méduses sont particulièrement redoutées puisque leur piqûre est mortelle. Concernant la Méditerranée, la France fait partie des pays les moins touchés par l’émergence de méduses. À Antibes on a récemment recensé une moyenne de 100 piqûres en une journée, tandis qu’à Barcelone les scientifiques ont relevé un total de 3 000 piqûres en à peine 24 heures.
Planet : Comment expliquer un tel écart entre ces deux pays voisins ?
F. L. : En Méditerranée, il y a un courant qui est assez proche des côtes de Nice et qui se décroche peu à peu pour prendre le large. Il opère généralement un virage à 90 degrés pour finalement s’abattre sur les côtes espagnoles. Après cela, le courant regagne les Baléares et effectue un nouveau virage en direction, cette fois, de la Corse. Toutes ces zones sont particulièrement sujettes aux piqûres de Pelagia parce que le courant qui emporte les méduses est relativement proche des côtes."
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