Les trafics de chardonnerets se concentrent sur l'Hérault, le Gard, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Mais peu d'armes pour combattre ce pillage de la faune sauvage désormais sévèrement puni.
On compte 102 oiseaux saisis et 22 procédures en 2013. La capture de chardonnerets élégants, convoités pour leurs gazouillis mélodieux et leurs couleurs, constitue le premier trafic d’espèces protégées françaises dans la région", explique Laurent Retière, animateur du réseau commercialisation faune flore à l’office national de la chasse et de la faune sauvage. Un trafic qui se concentre sur l’Hérault, le Gard, l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Point d’affaires en Lozère… Probablement parce que cette pratique est une "spécialité" du pourtour méditerranéen.
L’arrivée des rapatriés d’Algérie, la proximité de l’Espagne et du Portugal, pays qui ont une culture des oiseaux en cage et organisent des concours de chants font que le Midi est devenu une plaque tournante. "Il y a un trafic de la France vers l’Espagne et de l’Espagne vers la France, et un réseau qui part du Maroc et d'Algérie vers la France", résume l’agent de l’ONCFS.
Laurent Retière : "Il est interdit d’en détenir même s’ils sont nés en captivité"
Les chardonnerets sont recherchés notamment par des collectionneurs qui souhaitent réintroduire du sang neuf dans leur élevage de canaris. D’autres oiseaux colorés et chanteurs (tarins des aulnes, linottes mélodieuses, verdiers, pinsons...) sont aussi concernés. "Nous traquons autant les vendeurs que les acheteurs et les propriétaires d’oiseaux. Le chardonneret (chardon en langage d’éleveur), comme d’ailleurs les autres espèces de passereaux, est protégé. Il est interdit d’en détenir même s’ils sont nés en captivité. Les contrevenants encourent 1 an de prison et 15.000 € d’amende pour capture, transport et détention. Et depuis juillet 2013 dans le cas de trafic en bande organisée, de réseau de capture et de revente, c’est 7 ans de prison et 150.000 € d’amende", rappelle Laurent Retière qui décrypte aussi les petites annonces sur internet.
Dans la nature, les chardonnerets sont friands de graines de chardons
Derrière les "canaris à têtes rouges", les "mulets" (des canaris croisés avec des chardons) se cachent des vendeurs pas très clairs. Parfois, c’est carrément une photo de chardonneret qui cohabite avec un texte proposant un canari. Une petite frimousse rouge se négocie entre 50 et 200 € selon la qualité de son chant, très variable selon les individus. "Il faut que l’acheteur soit un amateur très averti pour ne pas se faire pigeonner", ironise Pierre Maigre président pour l’Hérault de la Ligue de protection des oiseaux.
Un commerce qui se déroule plutôt sur le littoral, en périphérie des villes ou à la campagne et toute l’année. Dans la nature, les chardonnerets qui sont granivores, sont friands de graines de chardons et se rassemblent sur des terrains en friche mais aussi à proximité de cultures comme le tournesol. C’est parfois l’occasion pour les policiers de la nature de repérer des filets en mailles fines destinés à la capture.
68 chardonnerets ont été soignés, rééduqués et relâchés
Dans les objets récupérés lors de perquisitions, on trouve aussi une collection de "cages pièges" de fabrication espagnole. Constituées de deux compartiments, elles sont placées sur des balcons ou encore près de points d’eau. Un appelant (un oiseau) occupe l’une des parties (parfois il est remplacé par la bande-son d’un magnétophone) et va attirer par son chant un congénère en liberté. Les appâts sont des bâtonnets de colle. Tous les rescapés souvent englués, aux muscles atrophiés, saisis par la police de la Nature ou les douanes sont accueillis au centre de sauvegarde de la LPO à Villeveyrac dans l’Hérault.
En 2013, ce sont 97 passereaux dont 68 chardonnerets qui ont été soignés, rééduqués et relâchés. "La LPO porte plainte dans tous les cas et se constitue partie civile", souligne Pierre Maigre. Mais parfois les choses finissent mal, en particulier lorsqu’il s’agit d’importations par bateaux en provenance du Maghreb. La mortalité des oiseaux est alors très importante. C’est ainsi qu’en 2011, lors d’une affaire dans le port de Sète, l’ONCFS a saisi 30 chardonnerets entassés dans une caisse, aucun n’a survécu !
EN 3E POSITION APRÈS LES ARMES ET LA DROGUE
Les agents de l’ONCFS traquent sans relâche les ramasseurs et receleurs d’oiseaux. Plusieurs affaires sont en cours actuellement dans la région.
En mars 2013 : au domicile d’un garde-champêtre à Saint-Nazaire-de-Pézan (Hérault), les agents ont découvert une volière bien garnie contenant 19 espèces protégées. Dans son jardin, l’homme avait installé des cages-pièges avec des appelants. Mais les personnes interpellées sont souvent impliquées dans de multiples trafics. "Il y a deux ans, on a découvert 500 grammes de drogue avec des chardonnerets… En juillet 2013 ce sont les gendarmes qui nous ont alertés. Lors d’une perquisition, portant sur du travail clandestin, dans une boucherie halal de Lodève, ils avaient trouvé à l’arrière de la boutique une collection d’oiseaux en provenance du Maghreb". Pour Pierre Maigre, "ces saisies ne représentent que la partie émergée. Sur les marchés de la région, comme celui de la Paillade à Montpellier, des quantités importantes d’oiseaux se négocient sous le manteau". Le représentant de la LPO n’a de cesse de rappeler que le trafic de faune sauvage arrive en troisième position après celui des armes et celui de la drogue.
source : Midi Libre