mercredi 13 mars 2013


Carcassonne : la préfecture admet la présence élevée d’arsenic dans le béal du Sindilla

ARNAUD CHABÉ
14/03/2013
Un taux de 4 469 microgrammes par litre.
Un taux de 4 469 microgrammes par litre. (D.R)
L’Etat confirme les analyses de la police de l’eau. Avec un taux d’arsenic trois fois supérieur à celui révélé par Midi Libre à la suite d'analyses effectuées dans le béal du Sindilla se jetant dans l’Orbiel. 
En publiant, le 12 février dernier, les résultats d’analyse d’un prélèvementeffectué dans le béal du Sindilla se jetant dans l’Orbiel, nous étions en dessous de la vérité. Bien en dessous. Car si le laboratoire auquel nous avions confié notre échantillon avançait une teneur de 1 526 microgrammes d’arsenic par litre dans les eaux de la rivière, les résultats du prélèvement effectué par les techniciens de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) le 11 janvier, s’avèrent bien supérieurs : à hauteur de 4 469 microgrammes ! Des chiffres, longtemps tus par la préfecture de l’Aude, que le Canard Enchaîné a réussi à se procurer avant de publier, dans son édition d’hier, un article sur cette nouvelle pollution (*).
Dilution dans l’Orbiel
Hier, en préfecture, si ce résultat était bien confirmé, l’heure n’était pas aux commentaires, mais aux explications portant sur la commande de seconds prélèvements au Bureau de recherche géologique minière(BRGM). "Le BRGM et l’Onema n’ont pas procédé aux mêmes mesures. L’Onema n’avait analysé que l’eau ; le BRGM faisait également une étude sur les sédiments pour déterminer l’origine du phénomène", confie une source préfectorale.
Concédant, pour la première fois, qu’il existe "sur ce béal une concentration très importante en arsenic", les services de l’État persistent à dire qu’avec la "dilution dans l’Orbiel, la teneur en arsenic est bien moins importante surtout au niveau des sources de captage pour l’arrosage (...). Les mesures effectuées ne sont pas plus importantes qu’il y a dix ans".
C’est l’arsenic total qu’il faut prendre en compte
Sauf que cette pollution dans le Sindilla n’avait jusqu’alors jamais été recensée par la police de l’eau. Le communiqué de la préfecture du 8 février dernier, stipulant que "les prélèvements (ndlr : du BRGM) n’ont pas mis en évidence une teneur importante en arsenic dans l’eau", devient donc caduc... Et les questions de méthode, d’eau brute ou filtrée, accessoires comme l’explique André Picot, toxicochimiste, directeur de recherche honoraire, dans le Canard : "Même s’il est préférable de disposer des deux méthodes, c’est bien sûr l’arsenic total qu’il faut prendre en compte. Et que ce soit 1 526 ou 4 469 microgrammes d’arsenic par litre, on est face à des concentrations très toxiques".
"Heureusement qu’il y a des journalistes qui ont pu avoir ces résultats..."
Bien entendu, les associations, opposantes par ailleurs au projet de centre d’enfouissement à Lassac, n’ont pas tardé à réagir. François Espuche des Gratte Papiers, considère ainsi qu’on est "bien loin des 40 microgrammes annoncés par le préfet, bien loin de la vérité. Il a masqué le plus possible la vérité au profit d’un projet (NDLR, de Lassac) impossible à mettre en place. Heureusement qu’il y a des journalistes qui ont pu avoir ces résultats..."
Henri de Marion Gaja, vice-président des Riverains de Salsigne, raille quant à lui les nouveaux moyens de communications dont le préfet raffole : "C’est le défaut du “Tweet” : répondre sans prendre du recul... D’ailleurs, dans le Canard, le préfet le reconnaît : dès qu’il s’exprime sur le sujet, “il s’enfonce”". Eric Freysselinard a promis d’organiser, à une date qui n’est pas encore fixée, une commission locale d’information. On a hâte d’en connaître la... teneur.
(*) La norme de potabilité définie par l’organisation mondiale de la santé est de 10 microgrammes par litre. L’eau du béal, si elle n’est pas destinée à être directement consommée, est utilisée en matière d’irrigation.
L’ORBIEL, "VECTEUR POTENTIEL DE LA POLLUTION"

Dans son désir de modérer la pollution du béal du Sindilla, la préfecture n’a eu de cesse de rappeler que la présence d’arsenic dans la vallée de l’Orbiel n’avait rien d’une découverte. Une évidence que la présence du site de Salsigne sur la base de données Basol confirme.
À la fin des années 90, le ministère de l’Écologie et du Développement durable avait lancé un recensement des sites et sols "anciennement exploités et pollués ou potentiellement pollués". Au 11 mars 2013, 4 619 sites étaient recensés en France ; 90 en Languedoc-Roussillon ; 14 dans l’Aude. Parmi eux, Salsigne, dont la fiche, mise à jour pour la dernière fois le 8 mars 2011, rappelle l’existence d’un "fonds géochimique naturel très important en arsenic".
Avant de préciser que "la pollution est principalement liée à la présence d’arsenic dans les stocks de déchets divers sur les sites des anciennes exploitations métallurgiques. Les vecteurs potentiels de migration de la pollution sont la rivière Orbiel et ses affluents ainsi que les envols de poussières". Autre précision apportée, la présence de polluants "dans les sols ou les nappes", en listant arsenic, sélénium, molybdène et plomb, en rappelant qu’existent des risques immédiats "de fuites et écoulements".
Utiles informations complétées par une fiche consacrée à "l’environnement du site", dans laquelle sont confirmées des "teneurs anormales dans les eaux superficielles et/ou les sédiments", ainsi que dans les "eaux souterraines". De quoi justifier une "surveillance du site" mensuelle des eaux, en rappelant les restrictions d’usage sur l’utilisation du sol (urbanisme), du sous-sol (fouille), de la nappe, des eaux superficielles, et de la culture de produits agricoles.

source Midi libre